Nous avons laissé derrière nous des défaites, des crépuscules Si seulement il y avait eu un envol insignifiant, même invisible. Je veux croire que nos cabans noirs Me permettront aujourd’hui de voir l’aurore. Aujourd’hui on nous a dit devant les gens: Mourez héroiquement! On essaiera, d’accord! On verra comment ça tournera. Mais j’ai pensé en fumant des cigarettes qu’on m’avait passées: Chacun fait ce qu’il peut, moi ce que je veux, c’est voir l’aurore. Un commando spécial, c’est un honneur spécial pour un sapeur. Ne me tombez pas dessus du haut des arbres avec un poignard. Pas la peine de vous donner du mal: même la gorge ouverte Je verrai aujourd’hui l’aurore jusqu’au bout. On a traversé les arrières, en se retenant pour ne pas égorger les ennemis endormis Et soudain j’ai remarqué en coupant les barbelés avec les dents Un tournesol encore nigaud, tout vert, mais sensible Qui avait déjà tourné sa tête vers le levant. Derrière mon dos à six heures trente sont restés, je le sais Non seulement des défaites et des crépuscules, mais aussi des envols et des aurores. Je dépouille en grimaçant deux fils avec mes dents. Je n’ai pas vu l’aurore mais je sentais qu’encore un peu et elle serait là. Le commando revient sur ses pas, décimé. Ce qui s’est passé n’a pas d’importance: ce qui est important c’est d’avoir fait sauter le fort. Je veux croire que notre sale travail Vous permettra de voir maintenant sans entraves l’aurore.
© Antoine Lobstein. Traduction, ?