Je vivais avec père et mère Rue de l’Arbat - ah! le bon vieux temps! Me voilà à présent à l’hosto militaire Cloué au lit, couvert de pansements. La gloire, Klava l’infirmière, Le vaste monde, j’en ai rien à faire. Mon voisin de droite est mort Celui de gauche ne l’est point encore. Un jour, comme illuminé, Mon voisin, celui de gauche, Me dit soudain: «Eh! vieux! Le sais-tu T’as plus qu’une jambe! - Comment ça? C’est pas vrai, les gars? Il a certainement voulu plaisanter! «On coupera juste les doigts», - M’avait dit le docteur. Mais mon voisin, celui de gauche, Continue de rigoler, de plaisanter, Même la nuit, quand il délire, Il parle toujours de ma jambe. Tu t’remettras plus sur tes pieds, Qu’il me dit, goguenard. Et ta femme, tu la reverras plus! Non, mais regarde un peu, camarade, De quoi t’as l’air! Ah! si j’étais pas infirme Je sortirais de mon lit Et lui tordrais volontiers le cou A ce type-là, mon voisin de gauche. Je prie, supplie sœur Klava De me montrer tel que je suis. Si mon voisin de droite était en vie, Lui me dirait la vérité.
© Michèle Kahn. Traduction, 1977