Un coup, un autre coup, encore un coup et puis, Boris Boutkéev (Krasnodar) place son uppercut. Le voilà qui m’accule dans mon coin, et c’est tout juste si je m’en sors Un uppercut, me voilà par terre, et je ne me sens pas bien du tout. Et Boutkéev, lui, pensait, en m’émiettant la mâchoire, Qu’il fait bon vivre et que la vie est belle1 On me compte sept et je suis toujours à terre. Mes pays pleurent à chaudes larmes. Je me relève, je plonge, j’esquive Et je marque des points. Ce n’est pas vrai que je garde Mes forces pour la fin, Mais taper sur la figure d’un type Ça, depuis mon enfance, je ne le peux pas. Et Boutkéev lui, pensait en me démolissant les côtes Qu’il fait bon vivre et que la vie est belle. Dans les tribunes, ça siffle, ça gueule: Fous-y une trempe, il a la trouille Boutkéev m’impose le corps à corps Et moi je me presse contre les cordes. Mais il a trouvé la faille, c’est un Sibérien, Ces gars-là, c’est têtu, Et je lui dis: Andouille, Tu es sûrement fatigué, repose-toi un peu! Mais il ne m’a pas entendu, et il pensait en soufflant Qu’il fait bon vivre et que la vie est belle. Et il cogne toujours, costaud, ce salaud-là! Je vois que ça va mal tourner, Parce que la boxe c’est pas la bagarre, C’est le sport des hommes valeureux, etc. Le voilà qui frappe: un, deux, trois, Et puis il s’écroule tout seul Et l’arbitre me lève le bras Avec lequel je n’ai pas frappé. Il était là, par terre, et il pensait que la vie est belle Belle pour certains, mais pour d’autres, peau de balle.
1 Vers célèbre de Maïakovski.
 
© Michèle Kahn. Traduction, 1977