Je ne saurai jamais qui de nous deux avait raison Dans nos discussions faisant fi du sommeil et du repos. Ce n’est qu’à présent qu’il me manque, Alors qu’il n’est pas revenu du combat.         Il se taisait à contretemps et ne chantait pas en mesure, Il parlait toujours d’autre chose, Il m’empêchait de dormir, il se levait à l’aube Et hier il n’est pas revenu du combat. C’est le vide à présent, et puis surtout J’ai soudain remarqué que lui et moi nous faisions deux. ’Pour moi, c’est comme si le vent avait éteint le feu, Il n’est pas revenu du combat. Aujourd’hui, le printemps, tel un prisonnier évadé, a franchi les barrages Et j’ai lancé sans réfléchir: Eh, l’ami, laisse-moi de quoi fumer! En réponse, le silence. Hie.., il n’est pas revenu du combat. Nos morts ne nous abandonneront pas dans le malheur, Ils sont là comme des sentinelles. Le ciel se reflète dans la forêt comme dans un lac Et les arbres sont bleus. Nous avions bien assez de place dans notre abri de terre, Et le temps s’écoulait pour nous deux. Maintenant j’ai tout cela pour moi tout seul; mais il me semble Que c’est moi qui ne suis pas revenu du combat.
© Michèle Kahn. Traduction, 1977