Aujourd’hui, on n’entend pas battre les coeurs: C’est bon pour les allées et les tonnelles. Je tombe, happant le plomb de ma poitrine, Et j’ai encore le temps de penser: Cette fois-ci, je n’en reviendrai pas, Un autre prendra ma place, Nous n’avons pas pu nous retourner Que déjà nos fils partent au combat. Il y en a qui se disent: après nous le déluge! Et qui sortent de leur tranchée comme on saute dans un gouffre. Mais moi, j’ai quitté ma tranchée Pour que le déluge ne se produise pas. Mes yeux vont se fermer, J’étreindrai bien fort la terre Nous n’avons pas pu nous retourner Que déjà nos fils partent au combat. Qui me remplacera, qui montera à l’attaque? Qui ira vers ce pont tant désiré? Moi, je voudrais que ce soit lui, là-bas, Avec ses vêtements trop grands. Je peux encore sourire. J’ai vu qui prendra ma place. Nous n’avons pas pu nous retourner Que déjà nos fils partent au combat. Les explosions étouffaient les battements de nos coeurs, Mais le mien me chuchotait tout haut Que ma fin n’était pas encore la fin. La fin, c’est le début d’autre chose. Mes yeux vont se fermer Je m’en vais, un autre viendra. Nous n’avons pas eu le temps de nous retourner Que déjà nos fils partent au combat?
© Michèle Kahn. Traduction, 1977