Ne vous croyez pas dans la plaine. Ici, le climat est tout autre, L’avalanche succède à l’avalanche. Et le grondement des chutes de pierres Ne cesse pas. On peut faire un détour, Contourner le précipice, Mais nous choisissons la voie la plus dure Dangereuse comme un sentier de querre. Celui qui n’est jamais venu ici, Qui n’a jamais rien risqué Celui-là ne s’est jamais Mis à l’épreuve. Même si en bas Il faisait des miracles. En bas, on ne peut voir Quoi qu’on fasse Dans toute une vie Une faible partie de ces merveilles. Ici, pas de roses pourpres Ni de rubans de deuil. Cette pierre Qui t’a fait don du repos Ne ressemble pas A un monument. Et telle une flamme éternel Etincelle sous le soleil La glace émeraude Du sommet que tu n’as pu conquérir. Et on a beau dire, Oui, on a beau dire, Personne Ne périt en vain. Mieux vaut mourir ainsi que d’avoir trop bu Ou d’un coup de frôid! D’autres viendront Echangeant le confort Contre le risque et la peine Ils passeront là où tu n’as pu passer. Devant toi un mur, Pas le temps de rêver! N’espère pas t’en tirer - Grâce à ta veine. En montagne, ne compte pas Sur les pierres, la glace ou les rochers, Le seul espoir, Ce sont tes muscles, Le bras d’un ami et le piolet Et prie que la corde ne lâche pas. Nous creusons des marches Pas un pas en arrière. Et la tension Fait trembler nos genoux. Et le coeur est prêt A bondir hors de la poitrine vers le sommet. Le monde entier est à tes pieds, Tu es heureux, tu ne dis rien, Et tu envies seulement un peu ceux Qui ont encore le sommet à conquérir.
© Michèle Kahn. Traduction, 1977