- Oh, Vania! regarde les clowns, Leur bouche, on a envie de la courde, Oh, Vania! Qu’est-ce qu’ils sont barbouillés, Et quelle voix, on dirait des poivrots. Et celui-là, je te jure, Vania, C’est ton beau-frère tout craché, la même queule d’ivrogne! Eh, vise un peu, non mais regarde C’est vrai, eh, Vania. - Ecoute, Zina, laisse mon beau-frère tranquille. Il est quant même de la famille, Et toi, tu ne t’es pas regardée, avec ta couche de fard, ta cigarette au bec. Fais gaffe, faut pas me pousser à bout. Au lieu de bavarder, Zina, tu ferais mieux D’aller acheter à boire à l’entracte Quoi, tu ne veux pas, j’irai moi-même, Pousse-toi, Zina. - Oh, Vania, regarde les nains, Leurs frinques, c’est du jersey, pas de la cheviotte. Dans notre fabrique de confection, Ça m’étonnerait qu’on fasse des frusques comme ça! Et tes copains, mon pauvre Vania, Sont tous foutus comme l’as de pique, Et puis, ils boivent dès le matin, des bons à rien. - Mes copains, même s’ils sont pas sapés, Ils prennent pas l’argent du ménage, S’ils boivent n’importe quoi, c’est par économie, Dès le matin peut- être, mais avec leur fric. Et toi, Zina, T’avais un copain à l’usine de pneus, Eh ben, celui-là, il buvait de l’essence, Tu te rappelles, Zina? - Eh, Vania, regarde les perruches, Retiens-moi, je vais crier. Et là, qui c’est, avec ce petit pull? J’en veux un comme ça, Vania, À la fin du trimester, pas vrai, Vania, Tu m’en ramènes payeras un pareil, Pourquoi "fiche-moi la paix"? Y en a marre, Vania, Tu ferais mieux de te taire. Ma prime trimestrielle, elle sera passée à l’as. Qui est-ce qui a écrit à mon chef pour se plaindre de moi? C’est peut-être pas toi! J’ai lu ta lettre. Et en puis, ce pul, Zina, T’aurais l’air de quoi avec? Je sais pas quelle taille y faudrait trouver! Où je prendrais l’argent, Zina? - Oh, Vania, vise les acrobates! Regarde comme il tourne, ce salaud-là! Notre chef d’atelier, le cavarade Satykov, L’autre jour au club, il sautait exactement comme ça. Et toi, Vania, quand tu rentres à la maison, Tu manges et tu te vautres sur le canapé, Ou bien tu cries, même quand tu n’es pas saoul, Pourquoi donc, Vania? - Toi, Zina, tu cherches les ennuis. Tu ne sais dire que des vacheries. Toute la journée à pas savoir où donner de la tête, Je rentre à la maison, et toi, tu es là. Alors c’est sûr, Zina, J’ai envie de descendre, Devant la boutique, il y a les copains: Je bois quand même pas tout seul.                                
© Michèle Kahn. Traduction, 1977