Dans un vague district D’une province farouche, hostile Un fier gars ne récoltait Que ronces et épines. Il amassa, amassa de la rancœur A pleines poignées Et le malheur qui l’éprouva Fut on ne peut plus amer. Bois le poison, noies-y ton chagrin Va donc, c’est gratuit «Petite corde, tu as beau te tordre Tu deviendras toujours un knout». Les malchanceux errent sur les routes, Leur besace au dos La vie coule entre les doigts Comme une toile d’araignée. Et ceux qui ont été entraînés, poussés Sur la mauvaise route Les vents les ont emportés Tout droit vers la prison. Là, ne compte pas sur la clémence Il faut serrer les dents et subir «Petite corde, tu as beau te tordre Tu deviendras toujours un fouet». Ah, pays maudit En quelque sens que je te parcoure Ce que je vois toujours, c’est l’échafaud Et la corde gluante. Et le diable. Satan en personne Lèche les talons nus des pendus Quelle tristesse, ma mère De ne pouvoir vivre, de ne pouvoir s’en tirer. Ne hurle pas, ne pleure pas. mais ris! Aujourd’hui, on ne te pardonnera pas tes larmes «Petite corde, tu as beau te tordre On te raccourcira toujours». La nuit, les pensées sont plus amères Les charpentiers ne rechignent pas à la besogne Tu ne pourras pas aller à matines On pend bien trop tôt. Mais ne regrette rien, ne regrette rien Un sursis, pour quoi faire? La corde qui t’attend N’a pas le moindre nœud! Couche-toi plutôt et réchauffe-toi Dis-toi que tu ne rateras pas l’exécution «Petite corde, tu as beau te tordre On fera de toi un nœud coulant».
© Michèle Kahn. Traduction, 1977