Longtemps Troie restait impossible à prendre, Bien que fût assiégée la citadelle. Mais les Troyens ne crurent pas Cassandre, Sinon Troie peut-être encore tiendrait-elle. Cette fille en folie criait sans fin: «Je vois clairement Troie, je la vois tout en ruines!» Mais les devins, ainsi d’ailleurs que les témoins, A les mettre au bûcher en tout siècle on s’obstine. Et la nuit où dans Troie la mort sortit du ventre Du grand cheval, la mort ailée et familière, Au-dessus de la foule massacrée, démente, Quelqu’un s’écria: «C’est la faute à la sorcière!» Car la fille en folie criait sans fin: «Je vois clairement Troie, je la vois tout en ruines!» Mais les devins, ainsi d’ailleurs que les témoins, A les mettre au bûcher en tout siècle on s’obstine. Et cette nuit, dans ce chaos et dans ce sang, Lorsque les prophéties aussi bien s’accomplissent, La foule aurait sans doute trouvé un moment Pour se faire, comme depuis toujours, justice. Car la fille en folie criait sans fin: «Je vois clairement Troie, je la vois tout en ruines!» Mais les devins, ainsi d’ailleurs que les témoins, A les mettre au bûcher en tout siècle on s’obstine. Voici la fin, guère tragique mais peu tendre: Un guerrier grec alors déniche sa retraite, Mais au lieu d’user bien d’elle en tant que Cassandre, C’est comme un insatiable vainqueur qu’il la traite. Et la fille en folie criait sans fin: «Je vois clairement Troie, je la vois tout en ruines!» Mais les devins, ainsi d’ailleurs que les témoins, A les mettre au bûcher en tout siècle on s’obstine.
© Henri Abril. Traduction, ?