Lorsque au terme du Déluge les eaux Retournèrent dans leurs rives anciennes, L’Amour sortit de l’écume du flot En retraite, marcha sur le sol ferme, Puis il s’évanouit dans l’air bien plus tôt Que la fin des quarante quarantaines... Et les originaux - car il en reste - Aspirent ce mélange avec ivresse, Sans en attendre du bien ou du mal. Et quand ils croient respirer simplement, Voici qu’ils se retrouvent brusquement Au rythme d’un autre souffle inégal. Comme un bateau, le sentiment même Devra voguer des jours et des nuits Avant de bien comprendre que «j’aime» Signifie «je respire» et «je vis». Il va falloir errer, vagabonder, Car immense est le pays de l’Amour. Et il impose à tous ses chevaliers Des épreuves plus rudes chaque jour: A la séparation condamnés, De paix, de sommeil privés sans retour. Mais plus rien ne pourrait les arrêter, Ces insensés qui sont prêts à payer N’importe quel prix - même de leur vie - Afin que ne se brise pas le fil, Le fil magique et pourtant si fragile Qui depuis l’origine les relie. Le vent frais enivre les élus, Renverse ou peut les ressusciter. D ne vit pas, ne respire plus, Celui qui n’a jamais su aimer! Mais beaucoup de ceux que l’amour submerge N’entendront plus nos appels et nos cris. C’est la rumeur qui compte leur cortège, Et dans ce compte il y a du sang aussi. Quant à nous, allumons pour eux des cierges, Pour eux qui sont morts d’un amour inoui’. Et leurs voix vont se mêler en douceur, Et leurs âmes flâner parmi les fleurs, Humant l’éternité à l’unisson Et se rencontrant avec un soupir Sur les frêles ponts, aux gués où franchir Les carrefours étroits de la Création. Aux amants je ferai un lit des plaines Pour chanter éveillés, endormis... Je respire et par conséquent j’aime! Oui, j’aime et par conséquent je vis!
© Henri Abril. Traduction, ?