J’vais exploser, comme trois cent tonnes de dynamite, D’un colère stérile je suis chargé: Une Muse m’a aujourd’hui rendu visite Elle m’a rendu visite, elle est restée un peu, puis elle a pris congé Elle a pour ça des raisons, et des bonnes Je ne peux que ravaler mes sanglots Imaginez: une Muse visite la nuit un homme Dieu sait c’que les gens pondront comme ragots! Mais je me sens dépité, solitaire Car cette Muse - et des gens peuvent le confirmer - Passait des jours entiers chez Baudelaire Et s’enfermait tout l’temps chez Mallarmé Je cours vers le bureau à grandes foulées Mais - Seigneur, sauve-moi et sois clément! - Elle est partie, l’inspiration s’est envolée Et cinquante balles: pour le taxi, probablement. Je tourne dans la pièce comme un ours en cage Mais qu’elle coure la Muse, j’peux pas lui en vouloir Elle est partie vers d’autres pâturages Chez quelqu’un qui sait bien mieux recevoir L’énorme gâteau tout cerné de chandelles Est rassis de chagrin, comme mes yeux hagards Le cognac que j’gardais exprès pour elle, J’l’ai bu avec mes voisins, ces connards Les années passent, périssent les listes noires Je baille d’ennui et j’ai oublié cette affaire L’est partie à l’anglaise, sans dire au r’voir Mais elle m’a quand même laissé deux vers Voici deux vers (c’est génial, ça crève la vue À moi bouquets, lauriers, célébrité, Voici deux vers): «Quand le soir, tu m’es en riant apparue J’ai vu la fée au chapeau de clarté»        
© Lëshat. Traduction, 2010