Dans un royaume où tout n’était que douceur et beauté, Où il n’y avait ni guerres, ni tempêtes, ni catastrophes, Survint une bête sauvage d’une taille inusitée: Buffle, taureau ou peut-être aurochs. Le roi avait de l’asthme et des maux d’estomac, Rien qu’en toussant il les terrorisait. Et la bête monstrueuse, pendant ce temps-là, Croquait les uns, entraînait les autres dans la forêt. Le roi aussitôt trois décrets promulgua: - Il faut venir à bout de cette bête, il faut que ça cesse! Le gars qui y réussira, ce gars-là A l’autel mènera la princesse! Or, dans cet État désespéré - Tout sulte à droite après l’entrée, Menait une vie de débauche et de tristesse effrénées Le meilleur archer du royaume en disgrâce tombé. Par terre, des hommes et des fourrures on voyait, On chantait des chansons, on buvait de l’hydromel... Tout à coup les troubadours Trompettent dans tout le palais, Attrapent l’archer et le traînent à la cour! Et le roi lui toussa: - Je ne t’ai pas mandé Pour te faire la leçon, jeunesse. Si du monstre demain tu sais nous débarrasser, A l’autel tu mèneras la princesse! Mais l’archer dit: - La belle récompense que voilà! J’aimerais mieux emporter une barrique de porto! La princesse, même pour rien, je n’en veux pas, Pour terrasser le monstre, je me passerai de ce cadeau! - Tu prendras la princesse, fit le roi en courroux! Ou bien en moins de deux au cachot tu te retrouveras! Elle est fille de roi après tout! Mais l’archer répondit: - Tu auras beau faire, je ne la prendrai pas! Et pendant qu’avec lui le roi se querellait, La fameuse bête, aurochs ou taureau, Se trimbalait juste devant le palais Après avoir croqué femmes et volailles à gogo. Rien à faire: le porto, de haute lutte il emporta, Jeta le monstre sur le carreau et quitta la place... Voilà comment il déshonora la princesse et le roi, Ce meilleur archer du royaume tombé en disgrâce.
© Hélène Ravaisse. Traduction, 1980