Alors que je portais le fardeau de ma peine sur la glace fragile du printemps la surface a cédé et mon âme a coulé comme une pierre au fond des eaux. Mais ma peine, quoique bien lourde, a pu s’accrocher aux bords acérés. Et depuis lors elle me poursuit à travers le vaste monde. Et partout des bruits la suivent colportant de mauvaises rumeurs. Pourtant les seuls témoins de ma survie furent un saule et quelques étourneaux perchés sur ses branches dénudées. L’un d’eux a dû vendre la mèche à mon seigneur et maître. Quelqu’un a forcément dû trop parler et me trahir. Alors, fou de passion, il s’est mis à ma poursuite et à sa suite sont parties peine et médisance. Il m’a traquée, pourchassée et enfin prise, emportée dans ses bras. En selle derrière lui, ma peine arborait un sourire narquois. Mais il n’a su rester avec moi plus qu’une fugace journée, tandis que ma peine, elle, ne m’a plus jamais quittée.
© ?. Traduction, 2018