Course éperdue, j’ai les tendons qui craquent, Aujourd’hui encore comme hier déjà, Ils m’ont pris à la traque, pris à la traque, Et rabattu sur des tireurs en joie. Dans les sapins claquent les canons doubles, Où les chasseurs se sont dissimulés, Et roulent les loups sur la neige, roulent, À des cibles vivantes assimilés. C’est la chasse aux loups qui fait rage, c’est la chasse aux loups! Aux gros pères à poil gris comme aux petits loulous. Tous les rabatteurs crient, les chiens s’arrachent la glotte, Sang sur la neige et drapeaux rouges à l’air qui flottent. À ce jeu-là, pas d’égalité, Les chasseurs tirent sans coup férir, Leurs drapeaux bornent nos libertés, Ne jamais sortir de leur ligne de mire. Jamais un loup n’enfreint la tradition, C’est mis dans le crâne des louveteaux Quand la louve allaite ses nourrissons: «Interdit, mon p’tit, de braver l’drapeau!» C’est la chasse aux loups qui fait rage, c’est la chasse aux loups ! Aux gros pères à poil gris comme aux petits loulous. Tous les rabatteurs crient, les chiens s’arrachent la glotte, Sang sur la neige et drapeaux rouges à l’air qui flottent. Nous avons la patte et le croc féroces Alors pourquoi, dis, toi le chef des loups Courons-nous au feu de toutes nos forces Sans même tenter de braver l’tabou? Mais le loup n’a point d’autre destinée, Et pour moi déjà, c’est la fin du drame Celui à qui j’étais prédestiné Avec un sourire lève son arme. C’est la chasse aux loups qui fait rage, C’est la chasse aux loups! Aux gros pères à poil gris comme aux petits loulous. Tous les rabatteurs crient, les chiens s’arrachent la glotte, Sang sur la neige et drapeaux rouges à l’air qui flottent. Je suis entré en désobéissance, La vie prend le dessus, Derrière mon dos j’entends, ô jouissance, Les «oh!» et les «ah!» des gens déçus. Course éperdue, j’ai les tendons qui craquent, Mais aujourd’hui ce n’est plus comme hier, Ils m’ont pris à la traque, pris à la traque, J’ai laissé les chasseurs plantés derrière. C’est la chasse aux loups qui fait rage, c’est la chasse aux loups! Aux gros pères à poil gris comme aux petits loulous. Tous les rabatteurs crient, les chiens s’arrachent la glotte, Sang sur la neige et drapeaux rouges à l’air qui flottent.
© Yves Gauthier. Traduction, 2017