Un stratège au cou court Doit exister de temps en temps, Sa poitrine touche son menton Et sa nuque frôle son dos. Sur un cou court, imperceptible La tête tient plus commodément, C’est plus dur de l’étrangler Ou même au lasso de l’attraper. Mais ils tendent bien le cou, Dressés sur la pointe des pieds: Pour voir mieux et plus loin Il faut regarder par-delà les têtes. Tu es un cheval ombrageux, Même si tu voyais la lumière au loin, Ta pose est incertaine et fragile Et ton cou est bon pour la corde. La première petite vipère venue Compte déjà les vertèbres de ton cou. On voit plus loin mais c’est imprudent De vivre le cou découvert parmi les gens.
Mais ils tendent bien le cou, Dressés sur la pointe des pieds; Pour voir mieux et plus loin Il faut regarder par-delà les têtes. Tu te cabres et tu lances un défi, Tu t’offres ainsi au couteau du boucher, Un authentique stratège en verité Martèle la terre de plein pied. L’Asie est le pays des embuscades Le demi-dieu ne peut pas admettre Que des malins le prennent à revers Et le renversent du premier coup. Mais ils tendent bien le cou, Dressés sur la pointe des pieds; Pour voir mieux et plus loin Il faut regarder par-delà les têtes. Les nerfs se relâchent, comme une bride Qui ne retient ni ne garde plus rien; Un sécateur se glisse sous tes jambes Et une paume ouverte traíne sur ton cou. On peut rentrer avec mélancolie Sa tête dans ses épaules sans risque, Mais c’est vraiment très laid De marcher la tête rétractée.
Mais ils tendent bien le cou, Dressés sur la pointe des pieds; Pour voir mieux et plus loin Il faut regarder par-delà les têtes. Un vieux sage m’a raconté Cette vieille parabole orientale Et j’ai murmuré en mesurant mon cou: "Même les contes ici sont cruels."
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1989