Vite en route! Ou droit dans la tombe! Oui! Nous n’avons pas beaucoup de choix. Nous sommes condamnés à une vie morne Où nous sommes rivés par des chaínes. Un balourd s’est hâté d’y croire, D’y croire sans vérifier ni réfléchir. Mais est-ce vivre que vivre enchaíné? Mais est-ce un choix que d’être cloué? La grâce offerte est pure perfidie Pareille à un philtre de sorcières hébétées: Cachée au recoin la mort par les nôtres, Et dans le dos la mort partes autres. Mon âme s’est figée, et mon corps engourdi. Nous restons muets comme des canons de paille, La honte au sourire en coin regarde et ricane Dans la vitre sale qui nous fait face. Et si d’aventure nous brisions les fers, Nous trancherions b gorge du filou Qui eut l’idée de nous ligoter, De nous clouer à cette vie tant vantée. Avons-nous un mince espoir? Notre chaíne n’est pas assez forte? Pourquoi frapper aux portes du paradis? À coups d’osselets sur les étriers ferrés? On nous a proposé de cesser enfin la guerre, En nous faisant paver un prix exorbitant: Nous sommes condamnés à une longue existence Dans la faute, dans la honte, dans la trahison! Vaut-il la peine de vivre à ce prix? Le chemin n’est pas terminé! Du calme! Hors même de cette grande guerre On peut encore mourir avec dignité. Ne nous comparez pas à la glaire des marais, Nous ne tisserons pas des nids de pus, Nous ne mourrons pas d’une vie de torture, Nous préférerons vivre d’une juste mort.
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1989