Les années, les siècles, les cycles sans fin, Tous fuient vers le soleil le froid des tempêtes. Pourquoi donc les oiseaux volent-ils vers le Nord, Si le Sud seul leur est dicté par leur destin? Ils n’ont besoin ni de gloire ni de grandeur, Sous leurs ailes la glace prendra fin, Et ils trouveront leur bonheur d’oiseau, Récompense de leur vol sans peur. Qu’avons nous donc omis de vivre, oblié dans notre sommeil? Quelle force nous a poussés vers le sommet de la vague? Nous n’avons encore pu contempler l’aurore, Si rare est le prix accordé à son éclat! Seuls les éclairs des mouettes rayent le silence Et nos mains ne les nourrissent que de vide. Mais notre mutisme profond rencontrera Nécessairement la récompense du bruit. Des songes blancs ne cessent de hanter nos rêves, Toute autre nuance a disparu sous les neiges, Aveuglés par cette sombre blancheur, La ligne noire de la terre nous redonne la vue. De notre gorge jaillit le silence, Notre faiblesse grandit comme une ombre Et l’éternité du jour polaire Récompensera nos nuits de désespoir. Le nord, la volonté, l’espérance, pays sans frontières, Neige sans boue, comme une longue vie sans mensonge Les corbeaux n’arracheront pas nos yeux de nos orbites, Parce qu’ici est aux corbeaux zone interdite. Qui n’a pas vcu aux prophéties de malheur Ni cherché dans la neige un instant de repos Celui-là doit connaître la rencontre Qui le récompensera de sa solitude.
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1988