Je décrète cette nuit-là hors la loi Dans la nuit naissent mes chants les plus beaux. J’empoigne le cadran du téléphone Et j’y compose les éternels «zéro sept»! Mademoiselle? Bonjour! Votre nom? Tamara... Le soixante douze, j’attends, le souffle coupé. Non! Impossible! Recommencez! J’en suis sûr! Elle Est là! Ah! Voilà! On répond: «Bonjour! C’est moi!» Moi, j’ai décrété cette nuit hors la loi Je ne dors pas, je crie. Plus vite. Pourquoi me proposez-vous ce que j’aime A crédit, par mensualités qui traînent? Mademoiselle, écoutez, le soixante douze. Je ne puis attendre, ma montre s’arrête. Au diable toutes ces lignes! Demain je vole. Ah! Voilà! On répond! «Bonjour, c’est moi!» Pour moi le téléphone est une icône, Et l’annuaire un vaste triptyque. La téléphoniste devenue La Madone Abrège un instant l’espace infini. Ma douce demoiselle, prolongez, je vous prie, Vous êtes un ange, ne quittez pas cet autel. Comprenez, comprenez, j’attends l’essentiel. Voilà! On a répondu: «Bonjour, c’est moi!» Quoi? La ligne encore est encombrée. Quoi? Le central encore blague avec le relais. Qu’importe! Je poireaute! D’accord Pour recommencer chaque nuit au zéro! Zéro sept, bonjour c’est toujours moi... Non, pas ce numéro. Je veux Magadan. Vuus comprenez, mon ami a dû repartir là-bas. Et je voudrais bien savoir comment il va. Cette nuit pour moi est hors la loi. La nuit, je fuis le sommeil. Si je m’endors je rêverai d’une madone Semblabie à certaine personne. Zéro sept! Bonjour! Répétez! Je ne peux plus attendre et j’attends, le souffle Coupé. Oui! C’est moi, moi, bien sûr, chez moi! - En ligne! C’est à vous! «Bonjour, c’est moi!».
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1988