Depuis de longs mois assiégée, Troie, inaccessible défiait ses assaillants; elle dresserait encore ses murailles, mais les Troyens refusèrent d’écouter Cassandre. Interminablement la folle criait: «Je vois Troie réduite en cendres». Mais tout au long des siècles les devins et les témoins ont flambé sur les bûchers. La nuit vint où le ventre du cheval vomit sur Troie la mort aux ailes déployées, et sur la foule éventrée, affolée, le cri roula «Maudite soit la sorcière!» Interminablement la folle criait: «Je vois Troie réduite en cendres». Mais tout au long des siècles les devins et les témoins ont flambé sur les bûchers. Dans cette nuit, cette mort et ce chaos où s’accomplirent toutes les prédictions, la foule aurait aisément trouvé l’instant d’exécuter son massacre habituel. Interminablement la folle criait: «Je vois Troie réduite en cendres». Mais tout au long des siècles les devins et les témoins ont flambé sur les bûchers. Triste et banale fin de l’histoire, par surprise un Grec découvrit le refuge de Cassandre. Il oublia la prophétesse et n’usa d’elle Qu’en simple vainqueur à la soif inassouvie. Interminablement la folle criait: «Je vois Troie réduite en cendres». Mais tout au long des siècles les devins et les témoins ont flambé sur les bûchers.
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1989