Le long de la Volga notre mère le long de la rivière nourricière, Sans cesse vont, lourds de marchandises, vaisseaux, barques et péniches. Et jamais elle n’est lasse et jamais elle n’est éreintée. Ce fardeau ne lui pèse rien, ces navires sont les siens. Je vogue le long de la Volga, je franchis les rapides, Je contemple sur ma droite les rives en pente lisse, Où les roseaux frémissent et tout du long se brisent. Sur ma droite la rive s’allonge, à gauche elle se dresse à pic. La Volga retentit de chants plus âpres encore que la Doubinouchka, Les balles de nos ennemis ont fouetté ses eaux, Et les gouttes de notre sang ont flotté le long de notre mère, Et ce sang s’est figé, écume brunâtre, aux bords de ses rivages. Longtemps dans les eaux fades ont coulé des larmes froides, Les rives abruptes et les rives plates ont pleuré, éraillées par le fer tranchant des chevaux. Les vagues aujourd’hui viennent lécher leurs blessures sanglantes. Quelles aventures avez-vous vécues, cités d’autrefois! Là-bas se dressent murs en ruines, églises et citadelles, Et les héros de nos légendes semblent sortir de leur torpeur pour jaillir du fond de la terre en légions innombrables. Enserrés dans le filet de leurs liens, les vaisseaux tendent l’échine, Depuis la Caspienne les barges halent sans fin leur fardeau, Elles tirent sans un regard dans leur dos, pendant des verstes sans nombre, Et les rives lisses s’étirent au-delà des rives à pic.
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1989