Un rêve prophétique me hante et je veille. Je me gave de cachets pour trouver le sommeil, Et je ne puis avaler ma salive amère. Organisations, instances, personnalités, Ils m’ont tous déclaré une guerre ouverte, La guerre parce que j’ai rompu le silence, Et que ma voix râle par tout le pays, Pour me prouver: tu n’es pas une roue du carrosse! Parce que jamais je ne trouve de repos, Parce que les voix lointaines de l’étranger Chantent par les ondes mes vieux chants de voyous, Et jugent nécessaire d’ajouter leurs excuses: A l’insu de et sans l’accord... et caetera! Et la guerre pour quoi encore? pour ma femme, Qui n’est pas de chez nous et vient de là-bas. Et puis je veux voir les pays capitalistes, Je refuse obstinément de couler à pic, J’ai écrit tant de chansons où je raconte Le temps jadis où nous avons rossé les fritz, Et le biffin qui roule au fond d’un blockhaus Mais ne comprend rien de rien à la guerre. Ils braillent que je leur ai volé la lune, Et que je prépare d’autres cambriolages. Et les fables s’ajoutent aux fables! Le sommeil me fuit! Comment fuir la boisson? Non, je ne m’enivrerai pas! Je tendrai la main Je rayerai d’une croix mon testament, Et je n’omettrai pas le signe de la croix, J’écrirai des chansons toujours nouvelles, Et mon chant montrera celui que je maudis. Ils ont prétendu que je n’osai me coucher; Et moi je les salue jusqu’à terre; Sans les tromper, je viderai ma coupe amère.
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1989