Maria, dans le puits pourquoi ne t’es-tu pas jetée? Pourquoi n’es-tu pas devenue muette à jamais? Quand ils t’ont pris pour l’armée ton bien-aimé, Quand ton promis sous l’uniforme s’en est allé? Je laverai ma chambre de mes larmes amères, Et je fermerai ma porte pour de longues années, Je pencherai sur le lac comme un saule éploré, Et comme un miroir j’y lirai ta destinée. L’herbe tendre, l’herbe folle à la sève de menthe Sans toi se brise sous le souffle des vents Ton destin de soldat, enfant de la guerre, Comme deux trous rouges qui te percent le flanc. Par les prés je foulerai le sentier égaré, Et je tresserai pour moi la couronne des mariées, Ma natte de fiancée flotte jusqu’à mes pieds. Toujours, je la garderai pour mon bien-aimé. On saisira mon anneau dans la coupe blanche, La ronde tourbillonnera, gorgée de mélancolie! Que la prophétie en réalité se change! Et qu’un jour de printemps revienne mon promis! Chante ton retour avec ta gaieté de jadis, De ta voix douce et lisse console-moi! Une vie de fiancée est un remous d’abîme. Ta Mariouchka t’attend, allons dépêche-toi!
© Jean-Jacques Marie. Traduction, 1989