à Anatoli Garagoule
C’est la tempête. Les fïüns râpent les mains, La Chaîne de l’ancre siffle comme une sorcière, Le vent nous chante son sale chant et soudain Une voix s’écrie «Un homme à la mer!» Inmédiaternent: «Arrière toute! Stoppez tout! Sauvez-le vite, il faut le réchauffez! Pour un homme, versez-lui un coup! Ou bien, sinon, frictionnez!» Comme je déplore de devoir aller à pied Sur la terre ferme. J’attendrai de l’aide sans cesse. Personne ne s’empressera de me sauver. Personne ne donnera le signal de détresse. Mais ils diront «Vent en poupe! En avant! Nous serons au port selon l’horaire. Quant à ce fils de chien, eh bien, bon vent, Qu il s en sorte seul, c’est son affaire!» Et mon navire s’éloignera de moi. Les gens à bord devraient être des gars de première, La vigie regarde devant elle, tout droit. Elle se mogue que bien qu’un homme tombe à la mer. Et les bateaux passeront en trombe, Sans me voir, attendus au port. Ils s’en fichent bien que quelqu’un tombe De la bonne route, par-dessus bord! Que la mer m’empotte dans ses eaux, Là-bas souffle un vent de force neuf décuplée, Le capitaine me lanent un canot Et je retrouverai sol ferme sous mes pieds. Ils m’atraperont par le vêtement. Tomber habillé serait donc un bien. Comme à l’espoir, je m’accrocherai vraiment D’une étreinte de mort aux marins, À quelques nœuds, La Havane, dans un mois. Je peux cracher de la proue vers l’arrière. Mais, le capitaine, je veux le voir, moi, C’est lui qui m’a rendu la terre! C’est vrai, de roulis, ils sont saturés, De quart sans relâche par gros temps. Mais, ici, ils ne laisseront pas se noyer Un homme à la mer, c’est évident! Je suis à bord, on remet le cap sur l’ancienne route. On me tend les mains, les cœurs, de quoi fumer. Et si quelque chose survient, je n’ai pas de doute: Les marins me lanceront vite une bouée. Au diable l’iceberg, en avant, toute! Je suis maintenant des vôtres, matelots! Moi, le fils de chien, avec ses doutes Eh bien, découpe-moi en morceaux! Quand on aura oublié toutes les pertes à la ronde, Quand le piège se refermera sur le vide, Le meilleur capitaine ce monde Ouvrira la trappe et je retrouverai la rive. Je tiendrai là-bas un discours haut et clair, J’apprendrai à ceux qui veulent Comment, ici, un homme à la mer On ne le laisse pas tout seul.
© Michel & Robert Bedin. Traduction, 2003