Je suis gros-Jean comme devant, je ne peux plus m’en aller. Le sol m’a mis chaînes et fers aux pieds. Indifférents aux passerelles, à tout jamais, Mess officié à terre ont débarqué. Mes chansons aujourd’hui sont vides et désertiques, Elles ont toujours plus de trous, plus de plaies, Mess officiers ont tous enlevé leurs tuniques Comme si c’était leur peau qu’ils arrachaient. C’en est fini, je ne voguerai plus, Au port, plus de rendez-vous. Ah la retraite absolue, J’en ai la gorge qui se noue! Les capitaines diront: «Ne sois pas attristé!» Je ne suis pas triste, je hurle tel un loup! Ce ne sont pas mes chansons seules que vous avez emportées, C’est mon âme que vous avez prise avec vous. Dans les ports vous accueillaient des foules d’amis sincères. Je partageais vos lauriers à mon tour, M’imaginant descendre moi aussi à terre Dans ces Havre, ces Tokyo, ces Hambourg... C’eu est fini je ne voguerai plus, Au port, plus de rendez-vous. Ah! la rentraite absolue, J’en ai la gorge qui se noue! La mer est bien plus forte que les places, j’espère, Plus solide que les maisons qu’on bétonne, L’océan est meilleur enchanteur que la terre, Le vous retrouverai, à partir de Lisbonne. Je réve mécaniciens, je rêve de skippers, La vie tranquille ne les rend pas hystériques, Les officiers descodent des passerelles des tankers, Et des cargos, et des transatlantiques. Partir en mer, j’en suis encore capable, Au port, j’aurai rendez-vous. La refaite, qu'elle aille au diable, Avec ma gorge qui se noue!
© Michel & Robert Bedin. Traduction, 2003