Je serais plutôt un beau gars, Merci, maman, merci, papa. Je me sentais bien avec les gens, je ne me disputais pas, Je ne commandais pas et je ne pliais pas, Je poursuivais mon chemin tout droit, Je vivais en secondant ma tête de mes deux bras. Mais il y eut desfuites et des ragots. Cinq cents autour, pas un des nôtres. Dans le bureau, un écriteau «respecte le temps!» Tu vois, Ils ne font pas dans la dentelle et sans retard, Te collent des tampons au hasard, Dans une enveloppe, au diable Vauvert, ils vous envoient. J’ai bourlingué, je reviens chez moi Avec des années dans le barda. Elles pèsent sur moi, je ne peux ni les vendre, ni les jeter Et sur un chef, je suis tombé, Qui avait du bagout pour recruter, Au-delà de l’Oural, des camions, il en expédiait. la route et, sur la route, le MAZ, Qui s’est embourbé là pleins gaz. Cabine obcure, le coéquipier se tait trois heures durant. Il porte la guigne, même en hurlant. Cinq cens bornes derrière, cinq cents devant. Il interprète la danse du sabre avec ses dents. On connaissait tous deux le trajet, Nuit on minuit, il fallait rouler! Ils attendaient, sur le chantier, que l’on arrive, Comme pas hasard au Nouvel An. Cinq cens bornes derrière, cinq cents devant. Pleins phares en vain, tempête de neige, pas âme qui vive. Il me dit «Tu n’as qu’à couper le moteur, Qui les hares restent allumés des heures! Tu peux regarder, on ne peut rien discerner, Il y a sinq cents bornes autour de nous, On aura de la neige jusqu’au cou, Tout sera nivelé. Ils n’auront pas à nous enterrer». Je lui réponds «Arrête tes fadaises». Le voilà qui cherche la clé anglaise. Il me regarde avec des yeux de loup, parfois il était dur. Qu’importe à cinq cents bornes, tu vois, Celui des deux qui survivra, Aura raison quand on le mettra au pied du mur. C’était pour moi plus qu’un frangin. Il m’aurait mangé dans la main. Mais sa façon de me regarder, ça m’a glacé. C’est là que j’ai compris que nous Étions à cinq cents bornes de tout. Va comprendre qu’il ait oublié notre amitié. Il est descendu à côté. Je l’ai laissé, je me suis couché. J’ai rêvé du joyeux bazar tout à mon aise On était à cinq cents bornes de tout, Je cherchais le moyen sortir du trou, Mais pas d’issue, rien qu’une entrée, et une mauvaise! La fin est simple. Il y a un tracteur En un filin, et un docteur Qui sont venus nous délivrer, nous et le camion. Il y avait un autre parcours à faire. Il est venu me proposer l’affaire, Je suis sans rancune, je le prendrai comme compagnon.
© Michel & Robert Bedin. Traduction, 2003