Il n’a ni stature exceptionnelle. Ni pour l’arent, ni pour la gloire, À sa façon peu ordinaire, Il marchait dans la vie sur une passerelle, Sur un fil noir, sur un fil noir, Tendu à mort comme un nerf. Cest lui, regardez-le, Il marche sans friet. Qu’à droite, il penche un peu Et de lui, c’en est fait. Qu’à gauche il penche un peu Et c’est le même destin. Mais, sans doute, se doit-il, jusqu’à la fin, De faire les quatre quarts du chemin.                           Les projecteurs le faisaient trébucher Et, comme des lauriers, lui faisaient mal. La trompette se rompait comme à l’attaque. Les cris et les bravos l’assourdissaient Et les cymbales, et les cymbales, Comme sur la tête un coup de matraque. Cest lui, regardez-le, Il marche sans friet. Qu’à droite, il penche un peu: Et de lui, c’en est fait. Qu’à gauche il penche un peu Et c’est le même destin. Mais, sans doute, se doit-il, jusqu’à la fin, De faire les quatre quarts du chemin. Que c’est terrible et beau, que c’est charmant Ces trois minutes contre ka mort! Bouches ouvertes et guettant le péril, Du parterre le regardaient tristement Des nains, partout, toujours, encore, Lui semblait-il, sur son fil. C’est lui, regardez-le, Il marche sans fîlet. Qu’a droite, il penche un peu Et de lui, c’en est fait. Qu’à gauche il penche un peu Et cest même destin. Mais attention, il faut aller jusqu a la fin Et faire la moitié du chemin. Il riait de la gloire imbécile, Sa place à lui, c’est la première Tu peux toujours essayer de l’arrêter! À vrai dire, il marchait non sur un fil, Mais sur les nerfs, mais sur nos nerfs, Par le tambour exacerbés. C’est lui, regardez-le, Il marche sans filet. Qu’à droite, il penche un peu Et, de lui, c’en est fait. Qu’à gauche il penche un peu Et c’est le même destin. Mais, taisez-vous, il reste pour tenir jusqu’à la fin Encore, encore un quart du chemin. Le dompteur a eu le temps de pousser un cri. Les fauves posent la patte sur la civière. Le verdict est tombé, simplement. Érait-il distrait ou trop sûr de lui? Mais dans la sciure et dans la poussière, Il a versé ses larmes avec son sang. Et, aujourd’hui, un autre Avance sans filet, Un mince càble sous les pieds. Il tombera, c’est un fait. Qu’il penche à droite, à gauche, Et c’est le même destin. Lui aussi il ressent l’irrésistible besoin De faire les quatre quarts du chemin.
© Michel & Robert Bedin. Traduction, 2003