De la frontière, à reculons, nous avions fait tourner La Terre, état initial. Mais, notre commandant, à l’endroit, l’a relancée En s’ars-boutant du pied sur l’Oural. En puis, on nous donna, enfin, l’ordre d’avancer, De remasser nos cliques et nos claques finalement. On se rappelle. Sur ses pas, le soleil revenait, Pour un peu, il se couchait au levant. Nous ne mesurons pas la Terre de nos pas En piétinant les fleurs inutilement. Avec nos bottes, nous la repoussons comme ça, Loin devant, loin devant! Les meules de foin au vent d’est sont courbées, Les bêtes se serrent au rocher, craintives. Nous avons dévié l’axe de la Terre sans levier En changeant la direction de l’offensive. Qu importe si le ponant s’est trouvé déplacé. Nest an conte pour adultes, le Jugement Dernier, Nos régiments de relève en marche font tourner La Terre où bon leur semble, selon leur gré. Nius rampons, enlaçant les taupinières, Etréignant à contre-coeur les cailloux Rt du genou, on repousse la Terre Loin de nous, loin de nous! On ne pourrait trouver, ici, même en cherchant, De gens levant en l’air les mains. L’importance des corps est sensible aux vivants, Comme boucliers, nous nous servons des défunts. Ce plomb stupide trouvera-t-il à tout coup qui tuer? D’où viendra-t-il, de face ou de l’arrière? Aux avant-postes, quelqu’un là-bas s’est effondré Et instantanément s’est fîgée la Terre. Mes jambes, derrière, je les laisse traîner Tout en pleurant les victimes du combat. La Terre, de mes ongles, je la fais tourner, Loin de moi, loin de moi! Quelqu’un s’est mis debout, fit un salut profond. Une balle stoppa d’un coup son geste. Mais vers l’ouest, vers l’ouest rampe le bataillon Pour que le soleil se lève enfin à l’est. À plat ventre dans la boue, dans l’odeur des marais, Nous fermons les yeux aux puanteurs infectes. Le soleil se déplace normalement, désormais, Parce que nous fonçons vers l’ouest. Nos mains, nos pieds sont-ils en place? Vraiment? Comme à la noce, on boit la rosée à petits coups. Avec l’herbe, nous tirons la Terre de nos dents Droit sur nous, sous nous, loin de nous!
© Michel & Robert Bedin. Traduction, 2003