Jai parcouru près de la moitié de la terre, Debout et sur le ventre dans les combats Et pour services rendus, par convoi sanitaire, On me ramène vers l’arrière jusque chez moi. On me dépose sur le seul, natal, En camion, juste devant la maison. J’en suis resté muet: une himee anormale Sur le toit s’élevait de curieuse façon. Les fenêtres semblaient craindre d’oser me regarder On n’est pas heureux de revoir le soldat. Ma femme, sur mon torse, en larmes, ne s’est pas jeté Elle joint les mains, puis rentre dans l’isba. Puis les chiens, dans les chaînes, ont hurlé. J’ai avancé dans l’obscurité. Dans une chose pas à moi, je me suis pris les pieds, J’ai ouvert. J’en ai eu les jambes coupées. À ma table, à ma place, il y avait, bien assis, Un nouveau maître de maison peu aimable. Et il portait ma veste, ma femme près de lui. C’est pourquoi les chiens aboyaient, que diable. C’est dire pendant que j’étais sous le feu, Que je courais sans une minute de gaieté, Il a mis ses affaires chez moi et peu à peu, À son goût, il a tout arrangé. On marchait avec Dieu, avec le dieu de la guerre, L’artillerie nous a bien protégés. Mais la balle mortelle m’a atteint par derrière Et dans le par cœleur, par traîtrise, m’est restée. Courbé à angle droit, j’ai salué, J’ai fait appel à ma volonté «Camarades, je suis revenu, excusez, Par erreur, sur un seuil étranger! Je vous souhaite paix, amour et du pain sur la table, Que la paix règne dans cette maison». Il n’a pas préré l’oreille, il était peu affable, Mais, sans doute, il avait ses raisons. Le parquet non repeint a tremblé. Comme tantôt, la porte, je ne l’ai pas claquée. Les fenêtres se sont ouvertes lorsque je m’éloignais Elles semblaient coupables de me laisser.
© Michel & Robert Bedin. Traduction, 2003