La Télé! Acordez-moi une tribune, peut-être, Ça s’entendra, comme ça, quand je hurlerai. C’e nest pas une fenêtre, je ne crache pas par la fenêtre, Plutôt une porte qui donne sur le monde entier. On a chez soi un vrai tour d’horizon, Repos en Crimée, tempête et typhon, Épisode sept du feuilleton, je peux manger, Car je n’ai vu aucun des six premiers. J’ai déjà fini la première bouteille, Dans le poste, ils plongent mais ce ne sont que les entrées. À vingt heures, il y a «Allez les demoiselles» En petits tabliers, c’est à devenir cinglé! J’ai une maison et puis, j’ai la télé. Je suis malheureux de tout le malheur du monde. Et je respire l’atmosphère du monde entier Et puis, je peux voir Nixon avec sa blonde. Ah, te voilà donc, chef d’État étranger, En têt-a-têt, les yeux dans les yeux, à un mètre. Je déplace un peu du pied le tabouret, Avec ce Chef, me voilà en tête-à-tête. Les ouvries de choc de lusine à pain Jusqu’à vign heures donnent dans la cuisson, Puis l’émisson «Les Petlts gars», enfin, Qui terrent, qui sautent, c’est à y perdre la raison! Si tu ne regardes pas, bon, tu n’es pas forcément dément, Mais c’est que, pour le moins, tu es de Dieu oublié Tu ne seuras pas qu’ «On recherche des talents» Et tu ne sauras pas qui c’est qui est doué! Tiens, voilà la match de foot URSS-RFA. On est de la méme pointure, Müller et moi. Crampes, chocs, entorses et ensuite interviews, C’est bien le reglement: ils ne peuvent pas boire un coup. Puis quelqu’un part concourir à Varna, Il me faut trois paies à moi pour y aller. Heureusement, revoilà «Les petits gars» Qu’est-ce qu’ils galopent! C’est à devenir cinglé! Comment convaincre Nastia, cette entêtée, Qui veut le samedi qu’on sorte au ciné. Elle dit que je suis obnubilé Par cette boîte pour les dégénérés. En effet, c’est exact! Je rentre chez nous. Qu’est-ce que je vois? Nixon et Pompidou. Je prends une bouteille. Richard n’en veut pas une goutte, Georges à la tienne, le dernier pour la route! La réalité est encore plus chic que ça: Au quatrième litre, sur le balcon, j’ai vu «Auxdemoiselles» et «Aux petits gars», On remet une prime à l’O.O O.NU Et puis, ensuite, dans mon asile fermé Où c est, hélas, assommant question service, Je continue à regarder la télé Et le manifeste pour Angela Davis. J’écoute - ne pleure pas - tout va dans la Taïga, Il est fini le match URSS-RFA, Cent misérables sont emmenés en prison, Mahomaev1 chante avec des violons. La réalité est plus cauchemardeuse que ça: On a deux postes, vas-y, tourne les boutons, Avec «Les demoiselles», avec «Les petits gars» Pas de danger qu’on y perde la raison!
1 Muslim Mahomaev: auteur-compositeur pour enfants de 1962 à 1975 er bariton à l’opéra de Bakou (Azerbaidjan) depuis 1977.
 
© Michel & Robert Bedin. Traduction, 2003