Je t’aime dans l'istant Pas caché, librement, À tes feux je me brûle, pas hier, ni demain. En pleurant, en riant, Je t’aime maintenant. Le passé, je n’en veux pas, le futur, je n’en sais rien. Aimer, c’est, au passé Plus triste qu’un mausolée. La tendresse me rogne les ailes et m’empêtre Bien que le poète des poètes ait noté: «Je vous aimais, l’amour encore, qui sait, peut être...» Synonyme de chute, de défoliation, Il y a, là, pitié, et quelque dérision Comme envers un monarque qu’on a démis. Pour ce qui a disparu, une compassion Ou une aspiration qui manque d’impulsion Et des «je t’aime» auxquels on ne se fie. Je t’aime maintenant, Sans déboire, purement. Mon âge, j’y tiens. Mes veines, je ne vais pas les ouvrir! À point nommé, dans la durée, l’instant, Je ne vis pas du passé, le futur n’est pas mon délire. À la nage ou à gué, Coupe-moi la tête, j’irai À toi, boulets pesants et lourdes chaînes aux pieds. Seulement ne fais pas l’erreur de m’obliger, Après «je t’aime» à dire . «et je ne serai...» Que d’amertume, bizarrement, dans ce futur, Diablerie ou d’un faussaire la signature, Issue de secours pour un désengagement Au fond du verre, transparent cyanure Ou comme une gifle au présent qui dure, La mise en doute que je t’aime maintenant. Je vois un rêve français Pléthore de formes conjuguées Où diffèrent et futur et passé. Au poteau de la honte, je suis cloué, À la barrière des langues interpellé. Ah, écart des parlers, Qui rime avec «loupé!» À deux cherchons l’issue, et on va la trouver Je t’aime aussi dans les temps composés Le présent-futur et le présent-passé.
© Michel & Robert Bedin. Traduction, 2003