«Prépare ta tombe ou en route, gaiement!» Le choix qu’on nous laisse est ainsi réduit. Nous sommes condamnés à vivre lentement, Par sécurité, une chaîne nous lie. Précipitamment, sans bien regarder, Certains y ont cru, sans trop s’en faire. Mais est-ce une vie que d’être enchaîné? Mais est-ce un choix si on porte les rers? Leur sourire indulgent est bien retors, Comme le philtre de devins un peu cinglés. Venant des nôtres, devant, c’est la mort. De derrière, la mort nous vient des étrangers. On a l’âme qui gèle et le corps a froid, Comme des marionnettes, tout le monde se tait. Et dans le miroir, en face de soi, Ricane l’opprobre en souriant de biais. Ah, si l’on pouvait fracasser ces chaînes, Alors, on trancherait la gorge volontiers De celui qui a pensé que des chaînes Pouvaient nous lier à cette vie vantée. Est-ce que l’on espère quelque chose vraiment? Peut-être la chaîne est-elle trop lourde pour nous? De nos mains ferrées, de nos os tremblants Aux portes du Ciel, pourquoi frappons-nous? On nous propose une issue à la guerre Mais à un tarif si démesuré La sentence en est une vie entière D’infamie, de traîtrise, de péché. Mais la vie vaut-elle ce prix outrancier? Tout n’est pas fini. Allons-y doucement! Dans cette grande guerre, même de ce côté Nous pouvons encore mourir dignement. Nous ne ferons pas nos nids sur la gangrène, On nous prend trop vite pour de la fange de marais. Nous ne mourrons pas après une vie de peines C’est par une mort plutôt que l’on renaît!
© Michel & Robert Bedin. Traduction, 2003